lundi 31 mai 2010

EXPOSITION DE FEMMES

 
Avec une de mes amies depuis plus de vingt ans nous nous retrouvons une fois par mois.
A tour  de rôle nous choisissons la sortie du jour, suivie d'un thé ou d'un brunch,l'autre suit sans émettre aucune réserve c'est la règle du jeu.
Cette fois ci  c'était à moi de proposer et voici où nous sommes allées














Deux salles entières consacrées à Madeleine Lemaire  (1845-1928)  peintre et aquarelliste reconnue,libre et indépendante, issue de la noblesse d’Empire,  elle fut l’égérie d’Alexandre Dumas fils.
Elle recevait les Mardis de mai, au  31 rue de Monceau : 
théâtre et musique dans l’atelier-salon d’une femme peintre 
pourrait en être le titre,Réjane, Jeanne Granier, Jane Hading,Julia Bartet, Sarah Bernhardt s'y produisaient.
Peintres, écrivains et hommes politiques ,on pouvait y voir Victorien Sardou, Robert de Montesquiou, Bonnat, Clairin,  Anatole France, Raymond Poincaré, Paul Deschanel ou Emile Loubet.

Portrait de Sarah Bernhardt par
 Louise Abbéma


Proust  dans un article intitulé « La cour aux lilas et l'atelier aux roses »sous le pseudonyme de Dominique disait dans Le Figaro du 11 mai 1903:


« Tout Paris voulut pénétrer dans l’atelier et ne réussit pas du premier coup à en forcer
l’entrée. Mais dès qu’une soirée était sur le point d’avoir lieu, chaque ami de la maîtresse
de maison venant en ambassade afin d’obtenir une invitation pour un de ses
amis, Mme Lemaire en est arrivée à ce que tous les mardis de mai, la circulation des
voitures est à peu près impossible dans les rues Monceau, Rembrandt, Courcelles, et
qu’un certain nombre de ses invités restent inévitablement dans le jardin, sous les
lilas fleurissants, dans l’impossibilité où ils sont de tenir tous dans l’atelier si vaste
pourtant, où la soirée vient de commencer. La soirée vient de commencer au milieu
du travail interrompu de l’aquarelliste, travail qui sera repris demain matin de bonne
heure et dont la mise en scène délicieuse et simple, reste là, visible, les grandes roses
vivantes “posant” encore dans les vases pleins d’eau, en face de roses peintes, et
vivantes aussi, leurs copies, et déjà leurs rivales. À côté d’elles, un portrait commencé,
déjà magnifique de jolie ressemblance, d’après Mme Kinen, et un autre qu’à la prière
de Mme d’Haussonville Mme Lemaire peint d’après le fils de Mme de La Chevrelière
née Séguier, attirent tous les regards. La soirée commence à peine et déjà Mme
Lemaire jette à sa fille un regard inquiet en voyant qu’il ne reste plus une chaise ! Et
pourtant ce serait le moment chez une autre d’avancer les fauteuils : voici qu’entrent
successivement M. Paul Deschanel, ancien président, et M. Léon Bourgeois, président
actuel de la Chambre des députés, les ambassadeurs d’Italie, d’Allemagne et de Russie,
la comtesse Greffulhe, M. Gaston Calmette, la grande-duchesse Vladimir avec la comtesse
Adhéaume de Chevigné, le duc et la duchesse de Luynes […]. Cela n’arrête pas une
minute, et déjà les nouveaux arrivants désespérant de trouver de la place font le tour par le jardin et prennent position sur les marches de la salle à manger ou se perchent carrément debout sur des chaises dans l’antichambre. La baronne Gustave de Rothschild,
habituée à être mieux assise au spectacle, se penche désespérément d’un tabouret sur
lequel elle a grimpé pour apercevoir Raynaldo Hahn qui s’assied au piano. »

La salle à manger et les rotondes de ce même musée font place aux salons de la Princesse Mathilde,de Marguerite de Saint-Marceaux et de la Princesse de Polignac,mécènes et amies des musiciens.C'étaient les rendez-vous à ne pas manquer dans ce Paris du Second Empire et de la Troisième République,des salons littéraires  et musicaux dirigés pas des femmes.
Des rendez-vous qui pourraient se définir ainsi:

Mercredi, 20 rue de Berri chez la Princesse Mathilde 










Sous le Second Empire, le salon de la princesse Mathilde, cousine de l’empereur Napoléon III 
est le plus important de la capitale. Il rassemble, sans étiquette politique et avec une certaine l
iberté d’expression, la plupart des écrivains, artistes, musiciens et savants de cette période,elle reçoit alors rue de Courcelles.

Les frères Goncourt, qui en sont des hôtes assidus, le considèrent alors comme « le vrai 
salon du XIXe siècle, avec une maîtresse de maison qui est le type parfait de la femme moderne

Après la chute de l’Empire, la princesse s'installe 20 rue de Berri et reprend ses réceptions




                                                        Madeleine Lemaire :Après le bal

































Mercredi, 100 boulevard Malesherbes : le salon de Marguerite de Saint-Marceaux,









Marguerite de Saint-Marceaux, tient pendant plus de cinquante ans l’un des salons les plus importants de Paris. Elle incarne ce milieu artistique de la Plaine Monceau autour de 1900,on y voit les peintres Jacques-Emile Blanche, François Flameng, Giovanni Boldini ou Jean Béraud.on trouve des écrivains comme Dumas fils, Willy et Colette, Melchior de Vogüé, Victorien Sardou ou Gabriele d’Annunzio.La musique  domine lors de ces soirées. Marguerite de Saint-Marceaux,interprète favorite de Fauré.
 Debussy,Fauré, Dukas, Messager viennent jouer du piano. Isadora Duncan y débute, accompagnée au piano par Maurice Ravel.
Colette évoque  la « liberté surveillée » de ce salon, où chacun est libre d’écouter la musique, de lire ou de discuter à loisir, sans toutefois dissiper les autres invités. 


                                     Etude pour le tableau Cocteau en pied :Jacques-Emile Blanche


Mardi, rue Cortambert : chez la princesse Edmond de Polignac
Héritière de l’entreprise américaine de machines à coudre, Winaretta Singer achète le Palazzio San Gregorio à Venise où elle tient salon. L'un des premiers invités est Gabriel Fauré. Elle se fait bâtir une maison dans le 16e arrondissement de Paris, rue Cortambert où elle installe son atelier de peintre, afin de recevoir ses proches lors de réceptions musicales dont Marcel Proust évoque dans un article de 1903 la « suprême élégance »
En 1893 elle épouse Edmond Polignac  son aîné de 30 ans.  C'est un mariage blanc, (tous deux homosexuels) mais un mariage heureux , ils partagent la même passion du mécénat
La même année, ils achètent un second palais à Venise que devient rapidement le célèbre Palais Contirini-Polignac.
Son mécénat demeure associé  à Gabriel Fauré,Emmanuel Chabrier, Maurice Ravel ou Manuel de Falla. Elle commande de nombreuses pièces comme Socrate d’Erik Satie, Renard d’Igor Stravinski ou Concerto pour orgue de Francis Poulenc, Arthur Rubinstein et la danseuse Isadora Duncan sont également soutenus par la princesse.








 Berthe Morisot Roses trémières

Les photos  des tableaux étant interdites, j'ai essayé d'en  piocher de-ci de-là  et surtout de vous montrer  mes préférés parmi ceux présentés




                                                                          Berthe Morisot  Au Bal


On peut admirer les oeuvres de Louise Abbéma,Rosa Bonheur, Louise Breslau,Madeleine Lemaire,Berthe Morisot


Quelques idées de livres si cette période vous intéresse


Les salons de la III ème république Art,littérature,politique de Anne Marie Martin-Fugier  (Poche collection Tempo)
Mathilde Princesse Bonaparte de Jérôme Picon  (Fayard)
Marguerite de Saint-Marceaux Journal (1894-1927) (Fayard)
Berthe Morisot de Dominique Bona (Livre de Poche)
Louise Abbéma peintre de la Belle-Epoque de Denise Gellini (Le Jardin d'Essai)











22 commentaires:

  1. Je pensais y aller mais je vois que c'est bientôt terminé.
    Heureusement que tu nous offres un passionnant compte rendu!
    Biz

    RépondreSupprimer
  2. Merci de me permettre de visiter cette exposition malgré mon éloignement. Ton message est vraiment très intéressant.

    RépondreSupprimer
  3. Une bien belle exposition que tu viens ce soir nous conter et nous faire profiter de ces belles peintures de femmes! Merci
    Ce devait être bien agréable d'être invité dans ces salons féminins...
    J'aime beaucoup le portrait de Sarah Bernhardt
    Douce soirée Aloïs

    RépondreSupprimer
  4. j'aime beaucoup le Musée Marmottan que je trouve très calme, et dans lequel on peut flâner sans une foule autour de soi. Merci pour cet article si intéressant. Pour moi aussi, coup de coeur pour les roses trémières de Berthe Morisot, que j'ai eu l'occasion de mettre à l'honneur également :-))
    Bonne semaine !

    RépondreSupprimer
  5. Merci à vous toutes et désolée pour cette mise en page très capricieuse.
    Faute de temps c'est elle qui gagne!!

    Evelyne tu peux encore y aller mercredi,privilégie l'heure du déjeuner

    Amartia je me suis limitée de faire court il y avait tellement de choses à dire

    Oh Enitram,je me suis surprise à rêver que je faisais partie de ces salons

    Moi aussi Odile je vais assez souvent dans ce musée,mais là il y avait un peu de monde tout de même,pendant l'heure du déjeuner cela allait mais ensuite cela s'est gâté.

    RépondreSupprimer
  6. Une magnifique exposition que tu nous permets de visiter à travers ton regard.
    L'affiche elle-même est magnifique et j'ai un petit faible pour le portrait de Berthe Morisot "Au Bal".
    Merci à toi et bonne journée !

    Norma

    RépondreSupprimer
  7. Moi aussi Norma ,j'aime beaucoup ce tableau;très féminin.
    Du reste la majorité des oeuvres exposées sont à mon avis très féminines.
    C'est vraiment une belle exposition comportant beaucoup de tableaux appartenant à des collections particulières ,et d'autres qui étaient dans les réserves du musée

    RépondreSupprimer
  8. Un grand régal que cette visite. C'est une époque que j'aime particulièrement, les salons où se côtoyaient les nouveaux talents,écrivains, poètes, peintres, sculpteurs, musiciens. Une aubaine pour tout ce monde qui se rencontre,échange, discute, refait le monde... des personnages offrant ainsi des œuvres de qualité que nous pouvons apprécier de nos jours et qui ne se démodent pas.

    Et en même temps il y avait de la misère dans les logis...

    RépondreSupprimer
  9. Je voulais y aller, cela me tentait beaucoup et ton article me fait regretter d'avoir renoncé à mon idée devant la mine allongée d'Alter (va savoir pourquoi ?)... je pensais profiter de son cours de piano pour y aller seule et j'espérais vaguement que Mandarine m'y accompagnerait, mais bon... grâce à toi et à ton reportage fouillé, je l'aurai visité cette exposition délicate !

    RépondreSupprimer
  10. Ne pouvant la visiter, merci Françoise de ce beau billet, si intéressant que j´aurai bien aimé parcourir avec toi.

    Bonne journée

    RépondreSupprimer
  11. Martine de toute façon de la misère dans les logis il y en a toujours eu et il y en a encore croyez-moi,cela m'amuse ces gens qui font de l'humanitaire à l'étranger,pas besoin d'aller bien loin,il ont de quoi s'occuper en France,mais cela pose de s'occuper de telle ou telle oeuvre à l'étranger.
    Mais je dérive là,cette exposition retrace très bien l'ambiance de cette époque,si passionnante,ci captivante.

    Michelaise c'est vraiment amusant j'y étais samedi,(car mon amie n'a pas la chance comme moi de pouvoir gérer son emploi du temps au bureau comme elle le souhaite),je pensais à toi en me disant ils sont peut-être là pour la finale,et puis je me suis dit de toute façon cela ne plairait pas à Alter!!
    Je me suis souvenue qu'il m'avait dit qu'il n'aimait pas Renoir.

    Alba j'ai vraiment passé un très agréable moment et j'ai été passionnée ensuite par mes recherches pour mon billet,je me suis retenue car j'aurais pu en écrire des pages .
    oui Michelaise même moi!!!
    J'avoue que j'ai été très aidée dans mes recherches par le dossier de presse que m'a prêté une de mes nièces.

    A toutes parmi les livres cités je conseille celui de Anne Martin-Fugier et le journal de Marguerite de Saint-Marceaux,attention ce dernier est un pavé de 1500 pages en papier "Bible"!!!
    Mais je l'ai feuilleté il semble passionnant et du reste je l'ai commandé

    Bonne journée

    RépondreSupprimer
  12. On aurait aimé revivre cette époque et assister aux soirées de mme lemaire...beau reportage!merci ,Francoise!

    RépondreSupprimer
  13. Le principe de la sortie entre amies où chacune choisit à tour de rôle le thème de la journée est une idée formidable... en tous cas, cette expo devait être magnifique et passionnante... honte à moi, je ne connaissais que Berthe Morisot... ton article est formidable! c'est vrai que ce devait être un bouillonnement de culture à l'époque dans ces salons tout autant que tout ce que représentent ces endroits où il fallait être vu sans aucun doute... tu décris si bien l'atmosphère qu'on s'y croirait et le bouquet de fleurs a une vraie présence alors qu'on n'en voit pas sur les photos !!!bises

    RépondreSupprimer
  14. AnneSophie je crois que je me serais uniquement contentée du rôle de la petite souris .
    Les peintures de Madeleine Lemaire méritent d'être connues ,presque tout fait partie de collections particulières.

    Catherine,quand tu viens à Paris je t'amène au musée Marmottan et tu pourras à loisir admirer les tableaux de Berthe Morisot qui font partie des collections permanentes
    Germaine Lemaire peignait beaucoup de fleurs .
    Suivant les saisons c'était telle ou telle fleur,tour à tour dans des paniers d'osier,pièces d'orfèvrerie,verre de Murano
    Son aquarelle Hortensias bleus encore d'une collection particulière est une merveille
    Merci à toutes

    RépondreSupprimer
  15. Merci ma Belle pour cette visite que j'aurais aimé faire avec toi. J'aime beaucoup la toile qui a servi pour l'affiche, ton choix des oeuvres est très délicat également.
    La lecture du texte de Proust ainsi que les fêtes chez les mondains de l'époque, me font penser à quelques soirées exceptionnelles pendant l'exposition de "peintres témoins de leur temps" au musée du Luxembourg, où le public venait pour rencontrer les peintres et obtenir une dédicace sur le catalogue de l'expo...Ange s'était "disputé" car il faisait des dessins au lieu d'un petit mot, et les heureux veinards repartaient avec un petit original à chaque fois !!!

    RépondreSupprimer
  16. Les oeuvres que tu nous montres sont très intéressantes et pleines de délicatesse, je n'avais pas particulièrement remarqué cette expo, je pense qu'elle m'aurait plu.

    RépondreSupprimer
  17. Danielle il y a plein de choses en attente que nous devons faire.
    A mon tour j'aurais aimé faire partie de ceux repartant avec le catalogue de l'exposition souligné d'un dessin de Ange.
    Là pas de chance ils ne sont plus de ce monde et pas un seul catalogue dans la boutique,pas un signet,je pense que cela vient du fait qu'une grande partie des oeuvres exposées appartient à des collections particulières.

    Toue était dans le même ton Aifelle,tout en douceur,délicatesse,c'est pour cela que j'ai pris l'intitulé Exposition de femmes,car je trouve que c'est vraiment une exposition pour les femmes

    RépondreSupprimer
  18. C'est décidé j'y vais samedi ! Merci 1000 fois de m'avoir alertée à temps :-))
    A noter que le dossier de presse est téléchargeable sur internet, sur le site du musée Marmottan Monet. Et j'ai vu également qu'un catalogue d'exposition est disponible (éditions Hazan, 29 euros).
    Lors d'une précédente visite, je m'étais offert "Berthe Morisot L'audace raisonnée".
    Merci encore et bonne journée.

    RépondreSupprimer
  19. Kenza de Thé au jasmin nous avait mis l'eau à la bouche avec l'annonce de cette exposition. Tu as eu le privilège d'y aller et merci pour le compte rendu bien documenté de cette visite. J'ai découvert le musée MARMOTTAN dans ma période obsessionnelle sur Berthe Morisot et je l'ai trouvé magnifique avec pour seul regret qu'ils gardent dans leurs réserves trop d'œuvres de Berthe. En ce qui concerne les autres peintres je les découvre avec joie. Ces salons nous font toutes rêver y côtoyer tout ce que la culture du temps avait de meilleur devait être exquis. L'époque transformait les femmes de la haute société en fleurs, leurs robes étaient magnifiques et me fascinent hormis les corsets et les contraintes de toutes sortes qui les enrubannaient.
    Marisol

    RépondreSupprimer
  20. Odile je pense que cela devrait te plaire
    Le dossier de presse intégral est de nouveau téléchargeable,il ne l'était plus pendant un temps.
    Il n'y avait plus de catalogue de l'exposition au musée,hier encore m'a dit une de mes amies qui est allée visiter l'exposition en courant suite à mon billet!!
    Monte tout de même à l'étage voir la nouvelle présentation des enluminures,même si on n'est pas attiré par cela,tu verras de belles statues jusqu'à présent dans les réserves

    Oui Marisol je suis allée hier sur le site de Kenza et j'ai trouvé son billet,je ne sais pas comment elle a fait pour obtenir la photo du bracelet car les photos étaient interdites et je n'ai pas su le trouver sur internet.
    Je suis une inconditionnelle de Berthe Morisot raison pour laquelle je vais tant à Marmottan et à Orsay
    C'était une époque où je pense je me serais sentie bien.
    Chez Mme de Saint-Marceaux la simplicité était de rigueur,peut-être avait-elle banni corsets et baleines!!!
    Merci à vous et bonne journée

    RépondreSupprimer
  21. Berthe Morisot au bal, superbe... Et j'adore vraiment le portrait de Sarah Bernhardt par Louise Abbéma, que je trouve d'une finesse extraordinaire...
    Moi aussi, en te lisant, je me suis prise à rêver à ces salons...
    Merci pour ce passionnant moment de culture !
    Bisous,
    NiNa-Lou

    RépondreSupprimer
  22. Nina-Lou c'était vraiment la Belle Epoque cela porte bien son nom.
    Le portrait est vraiment très beau en réalité,là c'est une carte postale que j'ai achetée lors de l'exposition que j'ai scannée,donc je te laisse imaginer la différence
    Merci et bonne journée

    RépondreSupprimer